I
Quand au soir, le ciel rose,
Lentement se nécrose ;
Que ses veines implosent,
En un bleu équimose ;
Qu'au dehors la pluie tombe –
Mon cœur entame une psychose,
Mettant en scène une hécatombe ;
Pur produit de sa névrose :
Il s’imagine encerclé de tombes,
Au milieu de mille mondes,
Cercueils immobiles et immondes,
Qui le font battre en trombe ;
II
Drapé dans le linge sale,
D’une sagesse banale,
Morbide et livide linceul,
Qui le laisse ici seul,
Le poète devient avide,
De connaissances stupides,
Et se met à l’étude,
De la profonde Solitude ;
Il en oublierait presque,
Toute sa sollicitude,
Qui jadis, ou presque,
Faisait son attitude :
Où sont passés ses certitudes,
Ses espoirs et ses causes ?
Où est passée sa béatitude,
En tout état de cause ?
Il n’est plus qu’un désert aride,
Une âme vieillie, pleine de rides,
Sur laquelle plus rien ne pousse,
Acariâtre, résigné que plus rien ne pousse !
Où sont, chez ce maldisant,
La Rage et l’Amour,
Qu’épousent soit disant,
A jamais, et pour toujours,
Les cœurs des amants enlacés ?!
Apparemment divorcés ;
Lassés d’avoir à se forcer,
Ils en ont eu assez ;
Ecœurés d’avoir à se mentir,
Pour pouvoir vivre en paix ;
Apeurés d’avoir à se repentir,
Pour pouvoir mourir en paix,
III
En de tels instants de Dégoût,
Mon âme se fait l’écho
Du mal-être qui me secoue ;
Et transforme mon égo
En un caniveau sombre
– Plus sombre encore
Que le monde des Ombres –
Où coulent les corps
De mes désirs gisants ;
Morts, flottant en surnombre,
Sur ce fluide énergisant,
Ce Styx qu’encombre,
La carcasse de rats morts,
Le moindre de mes remords.
Mon âme n’est plus si rose,
Elle pue ! et se décompose !
Dans ses immenses filets,
Cet égout voit défiler,
Le flot salin de mes larmes
Sur les tréfonds de mon âme :
Elles cherchent à rincer,
Ce qui a été sali,
Frottant jusqu’à la faire grincer,
La surface impolie,
Ecumant mes torts,
Comme du petit lait.
Ecoutant mes morts,
Jusqu’aux plus laids !
(2010)