Je ne sais pas ce qui m’arrive.
Je me sens si soudain solidaire
D’un monde charriant sa dérive
Bien plus solitaire que salutaire.
Je noie mes quelques certitudes,
Dans un flot de doutes ivres ;
Non sans une certaine lassitude
De ne vivre que dans les livres,
Je me demande inquiet
A quelle lutte je me livre,
Je me demande inquiet :
Atteindrais-je l’une des rives ?
La Gauche ? La Droite ? Un quai ?
Qu’importe pourvu que j’écrive !
N’en déplaise aux banquiers,
Jamais –j’admets— je ne me prive.
N’ayant rien demandé de la Vie,
Je m’y invite comme au Banquet,
Sans même demander leur avis,
A tous ces philosophes manqués
Des comptoirs de bois laqué,
Sur lesquels ils couchent,
Comme sur une feuille d’or plaqué,
Tout ce qui les touche,
Tout ce qu’il faudrait changer:
Ils refont le monde à leurs idées,
Au fond l’Espoir n’a pas changé
De Quand– il s’est juste oxydé.
Comme la peur profonde et intuitive,
De voir nos lendemains paralysés,
Le vertige humain – cela lui arrive,
Recéle aussi quelques nausées.
Elles vous gâchent l’existence,
Elles empêchent d’avancer,
Vous plongent dans l'Instance,
Dont on ne peut se dépêtrer,
Car au fond c’est dans l’urgence,
De sables émouvants,
Que vous êtes englués;
Et faire preuve de résistance,
Serait un mouvement –
Un de trop – qui vous tuerait.
(2010)