A moi-même.
I (Genèse d'un monstre sémantique)
Puisque tout texte est lieu des possibles,
Faisons en sorte qu'advienne l'Impossible;
Montrons sans peur, de manière ostensible,
Qu'il existe un remède aux âmes sans cibles:
C'est le Texte! La Poésie! L'Ecriture!
Devenons créateurs d'architextures!
Prouvons en un hommage à Proudhon,
Que le poète n'a strictement aucune leçon
Sinon à enseigner, du moins à recevoir:
"Ni Dieu, ni maître!" Qu'ils aillent se faire mettre!
"Ni Dieu, ni maître!" Qu'ils aillent se faire voir!
Il faut être son propre élève, son propre maître,
Si l'on ne veut pas finir au placard,
Poussière parmi la Poussière,
Ombre qui sombre dans le Noir,
Fantôme vivant parmi les hiers,
Triste pantin de lassitude,
Epouvantail faisant fuir
La gourde de Solitude,
Qui voit le Temps s'enfuir...
II ( (Ré)Création)
Il se doit d'être mal-élevé, qui enfin s'élève,
A mille lieues de hauteur, caressant les cieux:
Pour se trouver en Auteur, il faut être son propre dieu!
Son propre principe. Maître. Elève.
Sans que l'on vous blâme, ou que l'on vous incrimine,
(Comme si l'Auteur l'était toujours d'un crime),
Il faut sans crainte laisser libre cours à vos rimes:
Elles sont toujours anti-personnelles ces mines!
Il n'y est rien en soi que le poète ne soit jamais,
Et le verbe "lire", quand il est conjugué,
C'est le verbe rêvé: c'est le verbe "rêver",
Qui se réverbère en "lit", à la troisième du singulier!
Voyez-vous où je veux en venir?
C'est bien simple le verbe "lire",
C'est le temps du Rêve à venir,
Son endroit? Le texte et son empire!
On lit comme l'on rêve:
Dans la chaleur d'un lit;
Lieu d'Amour et de Rêve:
Comme le livre qu'on lit.
Quand on a la crève,
On ne quitte pas le lit;
Quand on lit sans trêve,
Une fièvre nous lie.
Quand on dort sans rêves,
On se couche sans leçons;
Quand on lit sans trêve,
On se couche moins con.
III (Anarchie, Révolte, Athéisme)
Oh! Mais la belle erreur
De croire que le texte
Et le rêve trompeurs
Existent hors-contexte!
Texte, rêve: c'est du faux!
Où est le Réel là-dedans?
Qu'on les mène à l'échafaud!
Qu'ils paient leurs boniments!
Au texte comme au rêve,
Plus rien n'est impossible:
C'est du marche-ou-crève,
Dont nous sommes la cible!
A bas l'ordre établi!
A bas la suprématie
Du texte et du rêve!
Entamons la grève!
Renversons le pouvoir!
Détrônons le Poète!
Allons dans sa tour d'ivoire,
Dénicher le maudit esthète!
Le temps presse, cela urge!
S'insurger contre le thaumaturge!
Que quelqu'un l'arrête!
Coupons-lui la tête!
IV ((Im)Moralité)
En quelques vers de soi,
Le poète a créé un monde,
Dans lequel il s'est fait roi,
Puis en quelques secondes,
En un repli sur soi,
Il a fait rugir l'onde,
D'une foule en émoi,
Qui partout gronde,
Qu'il faut tuer le roi,
De la table ronde,
Sur laquelle il croit,
Chaque jour, recréer le monde...
De l’immoralité à l’immortalité,
Bien souvent il n’y a qu’un pas,
Ou plutôt qu’un seul « t ».
Laissez-moi franchir celui-là,
Et déclencher l'ignition:
Je me fous qu'on m'honore
Pour service rendu à l'Indignation,
Laissez-moi finir en beauté,
En déclamant haut et fort,
Que ce "t" c'est celui de l'athée!
(2010)