Dire les choses est parfois plus facile,
Beaucoup plus facile à dire qu'à faire,
Surtout lorsqu'il s'agit d'indicible,
Signifié insoumis qui ne se laisse pas faire.
Effronté habile, rebelle labile,
L'indicible me joue des tours,
Et roule comme une bille,
Multipliant les subtils détours,
A ma plume qu'il renie,
Si bien qu'elle attrape le tournis,
Mais rarement sa proie
Car à tout dire, l'indicible reste roi.
Ce dissident langagier est invincible,
Et c'est vraiment très peu dire;
Car l'indicible constitue ma cible
De toujours, pour tout vous dire.
Je rêve de mettre dans le mille,
Mais l'indicible n'est pas docile:
Quand je l'approche, il file:
L'indicible est impossible.
Mais l'indicible, l'indicible...
En bon disciple moi j'y crois,
Il doit suffir d'être sensible,
Sans cible et sincère de surcroît.
Car au fond l'indicible existe déjà:
C'est ce que la musique nous répète
A longueur de journées et de mois;
Cette liqueur mélodique nous entête,
Et c'est ce qui ma foi, grise le poète,
Le rend frustré, triste et irrascible,
Car l'indicible reste impassible,
Insensible à sa douleur d'esthéte!
Ce spectre sémantique,
Pénètre puis hante,
Cet être chaotique, divin chantre,
D'une humanité mécanique;
Invisible, volatile, il est irréversible,
Et jamais ne retourne sa veste;
Il demeure incompréhensible:
Méfions-nous en comme de la peste;
Car l'indicible, c'est inadmissible,
Vit au dessus de ses moyens,
Se nourrit d'interdits et d'impossible,
Qu'il se procure par tous les moyens,
Aussi, aux yeux du Langage sacré,
Ce déserteur fait figure de païen,
Et parmi les grands échecs de l'Humanité,
Cela va sans dire: il trône au rang de doyen...
(2010)