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19 juillet 2010 1 19 /07 /juillet /2010 18:51

I

(Enfance) 

Papa? Papa? Papa?

Encore combien de temps?

Hein dis Papa? Papa?

Y en a encore pour longtemps?

 

Quand est-ce que ça finira?

Quand est-ce qu'on arrive?

Hein dis Papa, toi tu sais tout ça?

Toi tu sais pourquoi on part à la dérive

 

Et puis tu sais où tout ça nous ménera

Ah oui hein dis Papa? Papa?

Papa t'es le meilleur, tu peux tout faire!

Moi j'crois en toi, dur comme fer!

 

II

(Premières désillusions)

Le Père Noël n'existe pas:

Pur produit trademark Coca-Cola

Comment ai-je pu être aussi con

Pour avaler tout ça sans poser de questions?

 

Les Bisounours avaient tort,

Ils m'ont menti, inutile d'être gentil,

Dans ce monde faut de l'or,

Vaut mieux être nanti,

 

Si on veut pas finir dehors,

A mendier toute sa chienne de vie,

Pour se retrouver mort,

De faim, de froid sur quelque parvis,

 

Où d'obèses bourgeois

N'auront qu'une envie:

S'emplir de joie

A la vue d'un tel débris.

 

Les rêves fondent comme neige,

Il va grandissant le fardeau,

Et rien ne l'allége,

Il fait se courber les dos,

 

Comme un lourd traineau,

Rempli de désirs vénaux,

Sombre cortége,

Sombre manège...

 

Putain Papa t'attends quoi?

Qu'est-ce que tu fous?

C'est toi qui m'a mis là

Fichu monde de fous!

 

III

(L'Âge adulte)

Comme un cheveu dans la soupe,

Elle a débarqué dans ma vie,

Quand pour moi c'était la coupe,

Que je n'avais plus d'envies,

 

Comme de l'aspartame,

Que l'on verse dans un café amer,

Elle a adoucit le fond de mon âme,

Dompté mes noires colères,

 

Moi qui ne croyait plus en rien,

Ni personne, (pas même mon père),

J'ai compris qu'il ne servait à rien,

D'en vouloir à la Terre entière:

 

Ainsi va la vie,

On y peut rien,

Je suis toujours en vie,

Et c'est déjà bien.

 

Le monde n'est plus si moche,

Et quand elle me sourit,

Je serais prêt à lui faire des mioches,

Et même à l'épouser aussi.

 

Papa avait raison,

Je comprends un peu mieux,

L'importance d'avoir une maison,

Pour couler des jours heureux,

 

Aujourd'hui j'ai réussi,

Je gagne bien ma vie,

J'ai trois gosses, une femme qui m'admirent,

Et bientôt une promotion en ligne de mire,

 

J'ai développé une nouvelle passion,

Une nouvelle obsession,

Pour la possession,

D'objets sans fonction,

 

Ils comblent mon existence avide,

Comme le tonneau des Danaïdes;

Constituent ma plus grande réussite:

Celle d'avoir su racheter la fuite,

 

Du temps volage,

Qui courent les âges,

Et courtise sans cesse,

La sublime jeunesse.

 

J'ai su mettre dans ma poche,

Ce Don Juan de malheur,

Qui à chaque seconde empoche,

Le fruit de mon labeur,

 

Oh la belle vie!

Je sens bien que l'on m'envie,

Et cela suffit à mon bonheur:

Je suis le plus fort, je suis le meilleur!

 

IV

(Désillusions fatales)

Tout est arrivé si vite,

Pendant que je rêvais,

Pire qu'un lendemain de cuite,

Le réveil a sonné

 

Le glas de mes rêves,

De mes ambitions fortuites,

Comme une gréve, une trêve,

De mes réussites.

 

J'ai éprouvé sans délai,

Le sentiment vomitif

De s'être fait enculé,

Sans avoir jamais été fautif,

 

Du moindre faux pas,

Sur la route du bonheur,

Et le toubib qui dit: "Faut pas,

Faut surtout pas vous inquiéter, n'ayez pas peur"!

 

Puis d'un large sourire,

M'annonce avec une précision meurtrière,

Le nombre d'heures qu'au pire,

Il me reste à tirer sur Terre,

 

Je voudrais pleurer,

Mais n'en ai même plus les moyens,

Inutile de se leurrer:

Je ne finirais pas doyen,

 

Alors à quoi a-t-elle servi

Ma putain de vie?

L'ai-je si bien réussie?

Bon sang, ça sent le roussi...

 

Groggy, hagard, je retourne mon regard,

Froid, vif et lascif,

Comme la lame d'un poignard

Et, tout aussi incisif,

 

Je le plonge dans ce tas d'années grises,

Qu'entretient seul, mon souvenir poussif,

Et, sans grande surprise, passif,

Je réalise que plus vaine entreprise,

 

Ne fût pas vue depuis Sisyphe,

Poussant son rocher de roublardise,

Jusque dans un récif,

D'où il roule puis se brise.

 

Je n'ai jamais compté mes heures,

Pour arrondir les fins de mois,

Désormais elles défilent au compteur,

Et je sens que ma fin est là.

 

Nous mourrons tous de la même Mort,

Peu importe l'heure ou la manière,

Et j'ai eu tellement tort,

De te croire mon pére,

 

Je n'ai jamais craché dans la soupe,

Mais il faut que je vous dise:

Papa ne paie pas les heures supp':

Rien ne sert de se rendre à l'église...

 

(2010)

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