La Vie est une longue cigarette roulée,
Que j'ai constamment flanquée,
Au bord des lèvres, elle se consume,
Et jusqu'à la Cendre, je la fume,
Mon Âme ainsi libérée, mon Corps incinéré,
Je puis désormais à loisir inhaler,
Ces vapeurs toxiques, exotiques,
Sensuelles volutes, tortueuses, érotiques,
Les copeaux de tabac,
Se consument en de minces filets,
De souvenirs déjà effilochés,
De beaux désirs d'Ailleurs et de Là-bas,
En d’amers et voluptueux enroulements,
De l'Ennui qui fait tousser, puis cracher,
Les profanes, novices, et non-initiés,
En prise avec le Vice je cède langoureusement,
Ce qui était alors flamboyant,
N'est maintenant plus que braise,
Comme l'Amour d'êtres brûlants,
Se réduisant peu à peu à la baise,
Je ne comprends vraiment pas comment,
L'Amour peut faire un tel tabac,
Lui qui ressemble si étrangement,
A cet opium du peuple drogué, béa,
Prisonnier, incarcéré, incarné,
Dans cette prison de chair corporelle,
Je développe un cancer de l'Innée,
Création, dont pullulent les cellules nouvelles,
Chaque Vie est une cigarette goudronnée,
Si seulement à chaque jour je pouvais,
En consommer, ne serait-ce qu'un paquet,
Mais ma route est ailleurs toute tracée,
Être fumeur, c'est cultiver la Mort,
Dans ce terreau de nos corps,
Y faire pousser ses germes ignominieux,
Dans nos poumons libidineux,
Même pure, la nicotine me donne le tournis,
Tournicoti tournicota, mon cœur chavire d'ennui,
Sur la lame de cet océan de fumées en stase,
Mon être tout entier se retourne d'extase,
Et non d'ecstasy, je ne fais pas dans l'hérésie,
Le Tabac est ma seule Ambroisie,
Ivre, je chaloupe de bonheur, je tombe,
Je vire de bord avant que d'être dans la tombe,
Il n'y a pas plaisir plus immonde et sucré,
Que celui de savourer sa vie,
La partager entre tous, et la voir filer,
Flirtant au milieu d'un cercle de mains amies,
Je la regarde qui part en fumée,
En d'exquises volutes,
Parfumées d'Ennui, de volupté,
Et d'ivresse j'éructe, j'exulte!
Cherchant dans le Poison quelque réconfort,
Je chasse au loin les démons du Remord,
Et même si cette nuit je fume à tort,
Cela me donne un avant-goût de la Mort,
Voici que ces souples exhalaisons,
Me rappellent tendrement à la raison,
Nos vies sont un Infini en perpétuel exil,
Circonvolutions condamnées, car stériles...
(2010)